Jeff Arnold’s West

The blog of a Western fan, for other Western fans

Faillir être flingué

 

I write the review below of a new Western novel in French with apologies to my readers in the non-francophone world but I’ll be back in English tomorrow. It’s just that the novel has been published in France, is not (as far as I know) available in translation and the blog stats tell me there are many readers in the Hexagon, as well as in other French-speaking countries, notably Canada. It just seemed more appropriate, somehow, when I had finished the book, to write some comments in the same language. Well, not the same: I am no Céline Minard and still less an Anglo-Saxon Molière. Still.

 

Le retour de Johnny Guitar

 

Le roman Faillir être flingué (Rivages, 2013) de Céline Minard est quelque chose de rare désormais : un Western classique, assez crépusculaire, qui raconte. Certes, il joue avec le temps d’une façon contemporaine, nous donnant des évènements avant ou après qu’ils se soient passés, souvent expliquant leur provenance seulement après, c’est normal, mais en fin des comptes c’est une histoire, une fable, dont on pourrait même imaginer un film.

 

Mme Minard, née à Rouen en 1969, études de philosophie, a déjà produit des œuvres qui explorent les mondes post apocalyptique, médiéval, papal du 17ème siècle et érotique, alors pourquoi pas celui du western ?
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Céline Minard
 
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L’écrivain nous présente deux frères, Brad et Jeff, qui poursuivent leur route vers le Grand Ouest dans un chariot classique trainé par des bœufs. Ils sont accompagnés par leur vieille mère désespérément souffrante et par le fils de Brad, Josh, qui agit comme éclaireur. Au bord de la route, ou plutôt le sentier, ils trouvent une gamine chinoise, Xiao Niù, et l’adoptent temporairement.

 

D’autres personnages sont rapidement introduits, même trop peut-être. D’autres femmes comme L’Eau-qui-court-sur-la-plaine, guérisseuse solitaire indienne ; Christophia et Ilse, les deux très belles filles jumelles de Nils, éleveur de moutons ; Sally, la propriétaire endurcie du saloon, toujours prête à tirer ; Arcadia, dite Arcie (comment le prononcer en américain ?), contrebassiste lesbienne.
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Et les hommes : Zébulon, riche constructeur des bains publics où on parle de la nature de l’amour dans des discussions platoniques, dont nous apprenons l’histoire et comment il a acquis sa richesse dans les derniers chapitres ; Elie (on attendrait Eli) qui vit avec les Indiens et récupère l’archet de contrebasse pour amour d’Arcie mais ensuite tombe amoureux d’Ilse ; le bizarre Gifford, que nous découvrons presque mort et qui est guéri par l’Eau-qui-court-sur-la-plaine, et qui, une fois à la ville, se construit une maison de bouteilles ; Bird Boisverd qui a une histoire de vol de cheval à résoudre avec Elie ; le barbier Silas, scalpé ; il y a l’obligatoire hors-la-loi, Quibble, et sa bande de bandits qui attaquent la diligence, et les essentiels indiens, bien sûr, dangereux et fascinants sous leur chef Orage-Grondant. Et bien d’autres personnages encore dans un riche mélange, voir trop riche.

 

Il est franchement facile de confondre tous ses personnages. Simplement, il y en a trop. Et Mme Minard utilise souvent un pronom sans spécifier de qui il s’agit et on peut passer des paragraphes au commencement d’un chapitre sans identifier cet « il », un gadget littéraire, peut-être, que j’ai trouvé quand même ennuyant.
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Mme Minard joue comme Nicholas Ray dans son Johnny Guitar (1954) avec les rôles des femmes qui sont souvent les protagonistes et mènent la danse. Zébulon se travestit en jupe pour faire la cour à Sally, Sally qui tire sur l’adjoint milicien pour sauver Zeb.

 

L’Ouest concerné est un Ouest flou et indistinct. Où se passe ces évènements et quand ? On visite Fort Bonneville (en réalité abandonné en 1832) mais on porte des Colt Peacemakers (modèle de 1873). On est dans le Wyoming avec des Pawnees qui organisent un grand rendez-vous dans les Dakotas… La ville n’a pas de nom. Bon, on ne va pas faire le difficile et se montrer trop maniaque. Il se peut que l’écrivain souhaite créer un Ouest de l’imagination et n’aie pas intérêt à la précision historique et spécialisée. Peut-être Mme Minard a-t-elle lu Mervyn Peake. Et après tout, nombreux sont les films western qui jouent avec l’histoire de la même façon.

 

Le western comme genre n’est pas facile. Il faut présenter des éléments familiers sans tomber dans le banal, être original sans oublier les situations et les personnages clés, inclure l’attendu mais éviter la nostalgie ou, pire, la parodie. L’histoire doit convaincre sans sonner creux, pourtant c’est un monde rêvé qui n’a jamais été qu’imaginaire.

 

En tout cas, cette ville sans nom et ses habitants arrivent à nous plaire, nous lecteurs et, par conséquent, on finit par aimer ce livre. Le style est lyrique mais limpide. La structure du livre, avec toutes les pistes qui convergent sur la ville naissante et les personnages si différents et séparés qui, on le sait, vont y converger, nous donne une satisfaction à la fin. Le dénouement, avec le shérif sévère et ses adjoints assassins comme Stockburn et ses députés du Pale Rider de Clint Eastwood, est classique. C’est un vrai western, pas un faux.

 

Ouaip, ça marche.

 

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